Sur le passage de quelques personnes à travers...

  • Entourage ? Il s’agirait, premièrement, de juste ça, pas plus.Un jeu de va-et-vient fugitif et sage entre un intérieur et un extérieur découplés, une perméabilité. Il s’agirait, un instant seulement, d’avoir le souci du monde, le souci de ce qui entoure, de ce trouble anneau de météorites impersonnelles qui ceinture nos vies. Le souci du voisinage et le souci du transitoire. Sauvegarder pour la postérité quelque chose de cette multitude grouillée, affairée, fugace. Non pas la faire exister, bien sûr (elle existe déjà et elle est au courant, merci pour elle), mais la rendre plausible, en quelque sorte. En traquer les justesses rauques. L’autoriser. Être, un instant seulement (le temps que dure la déclenche), l’auteur, l’inventeur de ces pantomimes minuscules que rien, sinon les nuances compliquées et sans accord de la chair et des habits, ne distingue de l’animal et du néant. Et puis quelles processions...Baguettes de pain comme des glaives, chiens variés mais fidèles comme des lieutenants, outils de plage en étendard; la passage guerroyant de la vie, sans cesse et malgré lui-même en défilé, parce que rien n’est gagné d’avance, Et ça encore, c’est seulement l’arrière-plan, le fond, l’histoire qu’on s’en raconte après coup. Parce qu’en suite... Ensuite, entourage encore. Qu'est-ce qui rend chaque image remarquable et unique sinon son cadre et comment elle en franchit sans cesse les limites? L'encadrement de la vitrine redouble les limites de la photographie. La vitrine délimite le champ d'intervention du regard photographique .Comme une mire ou comme un petit théâtre entre les quatre bords duquel n'importe quoi peut (et doit) advenir. Les acteurs rentrent tour à tour par un côté, seuls ou en famille ou avec le chien. Ils traversent le champ, sortent par l'autre bord, aux commissures quadrangulaires de cette bouche assoiffé d'images. Mais le regard, déjà, les suit hors champ. Ils ont quelques secondes durant, joué un rôle, le plus souvent à leur insu. Non pas leur propre rôle. Ces photographies ne sont aucunement des portraits. Evidemment. On ne peut faire le portrait de quelqu'un à son insu et personne n'est ressemblant s'il ignore qu'il est observé. Personne. Personne ne se ressemble et le monde, au jour le jour, est foncièrement flou .On le vérifie ici. Chaque passant n'est que le figurant d'une plus vaste production, qui le dépasse et le sublime; la couler unique et subtile d'un plus ambitieux et plus universel portrait difficile à définir. Celui du genre humain, peut être. Mais on n'approche l'archétype qu'avec de la rigueur. C'est pourquoi le protocole d'observation est aussi serré. La photographe s'est installée dans la vitrine anodine d'une anodine officine d'un boulevard anodin. Par là même, elle renverse le protocole traditionnel du regard urbain: c'est la vitrine qui observe les étalages du badaud, et non plus l'inverse. Dans la vitrine, l'oeil appareillé surveille le cours tranquille du monde. Le badaud, souvent ne le remarque pas. Mais parfois un contre-regard se déploie, qui offre une prise contradictoire à la surveillance ténue, un peu de résistance. Dès lors, le monde devient un peu plus que cette périphérie un peu lointaine, superficielle qui s'offre à qui la sollicite sans emphase. Le monde devient pluriel et singulier à la fois; passager, traversant. Exotique. Maxime Matray, 2002 Exposition en 2002, LE DOJO, Nice